Course aux vaccins contre la COVID-19: l’Europe serait-elle aussi avare ?

21 octobre 2020

Course aux vaccins contre la COVID-19: l’Europe serait-elle aussi avare ?

Les propos de Clémens Martin Auer, membre de l’équipe discutant avec les fabricants de vaccins suscitent à juste titre cette interrogation. Il déclarait en effet : « d’ici quelques semaines, nous aurions sécurisé 1 milliard de doses pour les citoyens de l’Union ». Il poursuit en promettant que « les 28 apporteront des moyens à l’OMS pour acheter des injections pour le reste du monde ». Pour cela, il faut espérer la disponibilité de ces doses déjà vendues aux plus riches dès avant leur production. La logique est donc que l’Europe doit se servir et qu’elle avisera ensuite pour le reste du monde. Une guerre s’est-elle déjà déclarée pour l’acquisition des vaccins ?

Les premières doses de vaccins sont prêtes

Le processus de fabrication de vaccins qui doit durer cinq à dix ans avait été réduit à quelques mois en réponse aux ravages causés par la pandémie du covid19. Cette tendance d’accélération du processus se poursuit puisque beaucoup de vaccins sont en phase 3 des tests et que d’autres font déjà l’objet d’une production pour satisfaire les premières commandes. Les recherches lancées partout dans le monde ont donc porté leurs fruits. En Russie, les essais du Virus Sputnik sont dits positifs. La Chine quant à elle a annoncé avoir finalisé un vaccin qui a été mis à la disposition des militaires. Les États-Unis aussi s’apprêtent déjà à lancer la distribution des premiers vaccins même si tous les tests ne sont pas achevés. Les enjeux électoraux s’ajoutent sans doute à l’urgence sanitaire.

À peine sortis, les vaccins provoquent néanmoins une ruée à l’acquisition. Cependant, se plaçant au-dessus de la mêlée, des organisations telles que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Alliance Gavi et la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations (CEPI) essaient de coordonner une juste distribution des doses disponibles. Puisque devant l’insuffisance des disponibilités face au besoin, il faut bien déterminer ceux qui bénéficieront des premières doses et les volumes de vaccins à attribuer à chaque pays. Néanmoins, tous les pays ne semblent pas vouloir s’aligner sur ces règles éthiques de la distribution. À ce propos, les pays européens semblent plus pressés d’assurer leurs arrières au péril des répartitions égales. Beaucoup d’accords sont déjà noués par exemple entre les pays européens et des firmes pharmaceutiques.

La course démesurée à l’achat de vaccins : l’Europe dans la danse

Au moment des recherches, les scientifiques estimaient que les vaccins qui seraient produits ne suffiraient pas pour tout le monde. Cette situation ne peut donc qu’entraîner une course qui avantagerait les pays riches au profit des pays pauvres. Même si des mesures exceptionnelles sont mondialement déployées pour assurer une répartition, la balance risque de n’être pas équitable. En réalité, plusieurs transactions sont en cours entre les pays européens et les firmes pharmaceutiques. Ainsi, le gouvernement britannique a déjà obtenu des accords portant sur 100 millions de doses de trois différents vaccins. Ces accords ont été conclus avec les laboratoires BioNtech en Allemagne, Pfizer aux États-Unis et Valneva en France et AstraZeneca en Grande-Bretagne même. Pendant ce temps, l’Allemagne, la France, l’Italie et les Pays-Bas ont aussi contracté avec la firme britannique AstraZeneca pour garantir 300 millions de doses.

Au sein de l’organisation européenne, c’est une enveloppe de 2,4 milliards d’euros qui est consacrée pour l’achat des vaccins au profit des « citoyens européens ». La tendance est plus grande aux États-Unis où le gouvernement a déjà noué des accords garantissant 800 millions de vaccins auprès de six usines pharmaceutiques, pour une population de 330 millions d’habitants. Les leaders européens qui sont pourtant les premiers critiques du « American first » de Donald Trump sont en mal d’accusations cette fois-ci, car ils se sont aussi inscrits dans la démesure. On remarque surtout derrière les négociations, des contrats qui permettent de s’affranchir des lois du marché, appuyés par des aides publiques. On est alors en droit de se demander si le Covid19 n’a pas triomphé de la solidarité humaine. Heureusement que l’OMS semble veiller sur les intérêts des pays pauvres.

Le combat de l’OMS pour un accès équitable

L’OMS a mis en place un dispositif permettant de distribuer deux milliards de doses en 2021. Ce dispositif est baptisé Covax et réunit 92 pays en développement et 80 pays développés. On note cependant de gros absents tels des États-Unis et la Chine qui n’adhèrent pas pour le moment aux politiques de l’OMS. Néanmoins selon le dispositif, les pays signataires du Covax recevront équitablement des vaccins équivalant à 3 % de leur population. Il prévoit aussi que l’utilisation prioriserait les personnes âgées de plus de 65 ans et surtout les travailleurs de la santé et des services sociaux. Même si ce plan permet aux pays participants riches de demander suffisamment de doses pour vacciner entre 10 et 50 % de leur population, ils ne seront servis que si tous les pays ont de quoi vacciner 20 % de leur population. 

Ce mécanisme devrait permettre de mobiliser des ressources nécessaires pour la défense d’une cause mondiale et de peser dans la balance des coûts de cession des vaccins. Pour taire les critiques l’indexant, l’Union européenne a annoncé récemment une contribution substantielle de 400 millions d’euros. Les financements se mobilisent donc progressivement pour le Covax. Toutefois, les pays pauvres sont souvent confrontés à un autre défi : le financement des campagnes de vaccination. Financer l’acquisition de vaccins ne suffirait donc pas. Il faudra sensibiliser les populations et déployer la logistique adéquate. Des pénuries de seringues, de flacons, de congélateurs sont d’ailleurs annoncées au plan mondial. Les pays pauvres ne seront surement pas épargnés. En plus, il y aurait une nécessité d’administrer des vaccins « rappels » aux populations qui seront vaccinées afin de garantir une efficacité. Ces enjeux ont des coûts importants qui annoncent des défis plus colossaux pour les pays pauvres.

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